Wallada Bint al-Mustakfi, poétesse cordoue (994? – 1077?) (miladi)

WalladaWallada est née à Cordoue soit en 994, soit en 1001 (miladi).  Elle est la fille du calife omeyyade al-Mustakfi bi-Allah, qui a gouverné Cordoue en Andalousie de 1023 à 1031, avant d’être chassé du pouvoir à cause de son incompétence.  Il semblerait que sa mère ait été une esclave éthiopienne chrétienne. Par ailleurs, Wallada a bénéficié d’une éducation sophistiquée : les historien-nes s’accordent pour dire que la poétesse a été hautement cultivée.

Wallada a une trentaine d’années, quand suite au décès de son père, elle hérite d’une grande fortune.  La poétesse prend alors la décision consciente de rejeter en bloc les carcans des traditions médiévales qui entravent son autonomie et sa liberté personnelle.  Ce faisant, elle délaisse le voile.  D’ailleurs, certains biographes l’ont critiquée, parce qu’elle porte les vêtements transparents des harems de Bagdad en plein public.   De plus, la poétesse rebelle a fait broder sur la manche droite de ses robes : «par Dieu, je suis qualifiée pour les hautes positions, et j’avance fièrement dans mon chemin,»[1] et sur la manche gauche :«je permets à mon amant de caresser ma joue, et j’offre mon baiser à celui qui le désire.»[2]

Parallèlement à la transgression des codes vestimentaires de son temps, Wallada a fondé un salon littéraire où les grands esprits, poète-sses et artistes, se rencontrent pour réciter la poésie, discuter avec ferveur et jouer de la musique, sans ségrégation des sexes.  D’après certain-es historien-nes, lors de ces rencontres, Wallada charme les cœurs et les esprits ; et sa présence encourage les personnes âgées à se comporter comme les jeunes.  D’ailleurs, c’est lors de ces rencontres que Wallada a connu le grand poète cordoue Ibn Zaydoun.  Ce fut alors un grand amour, qui a enrichi la littérature arabe de nombreux poèmes enflammés, dont les vers de la poétesse :

«sois prêt pour ma visite à l’obscurité,
parce que la nuit est la meilleure gardienne des secrets.
Si le soleil sentait l’étendue de mon amour pour toi,
il ne brillerait plus,
la lune ne se lèverait plus,
et les étoiles s’éteindraient d’émoi.»[3]

Mais aussi enflammé soit-il, cet amour n’a duré que quelques mois.  Une brouille due probablement à la jalousie lui a porté le coup de grâce.  Aussitôt, la poétesse a pris pour amant le vizir Ibn Abdus.  Plus tard, elle s’est éprise de Muhyah Bint al-Tayyani al-Qurtubiyah, l’une des plus belles femmes de Cordoue.  Wallada a alors entrepris l’éducation de cette dernière, si bien que Muhyah est devenue elle-même une grande poétesse.

Cela va sans dire que Wallada a été une figure controversée, et les opinions  la concernant divergent.  Certain-es biographes la considèrent comme une femme intelligente et une poétesse accomplie.  Parmi d’autres, ad-Dabbi soutient que la poésie de Wallada figure parmi les meilleur-es dans le domaine de la littérature arabe.  Par contraste, d’autres biographes  voient d’un mauvais oeil son mode de vie, ses relations amoureuses et son lesbianisme.  Ces dernier-es lui reprochent également d’avoir écrit des satires obscènes.  Quoiqu’il en soit, la postérité n’a retenu qu’une vingtaine de vers de la poétesse.

Quand Wallada a avancé dans l’âge, elle a perdu sa fortune.  Conséquemment, elle a renoncé à son salon littéraire, et a vécu dans la maison de son ancien amant Ibn Abdus jusqu’à son décès soit en 1077, soit en 1091.   En fait, la poétesse est décédée quand les Almohades ont conquis Cordoue.

Sources consultées :

Elizabeth Warnoch Fernea & Basima Qattan Bezirgan, Middle Eastern Muslim Women Speak (Austin : University of Texas Press, 1977), 67-75.

Teresa Garulo, Diwan de las poetisas andaluzas de Al-Andalus (Madrid : Hiperion, 1985), 141-146.


[1] C’est nous qui traduisons.
[2] Ibid.
[3] Ibid.

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