Les filles qui sortent – vous savez, celles qu’on pense tous connaître au Maroc, parce qu’elles traînent dans les boîtes la nuit, font du grabuge le long des trottoirs et autour des petits taxis de couleur, arpentent les rues des quartiers populaires en djellabas près du corps ou en survêtements de contre-façon – sont les héroïnes du livre de l’anthropologue Mériam Cheikh.
Provocantes et irrévérencieuses, elles font fi des prescriptions morales qui pèsent sur les rôles féminins acceptables (la bent nass/bent dâr, l’épouse, la mère). En poursuivant leurs quêtes d’indépendance économique et d’amour, c’est l’émancipation individuelle qu’elles rencontrent en dépit de tout. Les filles qui sortent sont bien plus que ces représentations sur les prostituées auxquelles la société dominante les réduit pour mieux se rassurer. Sortir, c’est prendre le contrôle de son apparence, posséder sa propre vie et créer de nouveaux signes et symboles contre-culturels. Les filles qui sortent sont une des multiples manifestations des cultures juvéniles marocaines qui se dressent contre l’autoritarisme moral. Regardées sous cet angle, les pratiques prostitutionnelles au Maroc, qui composent le sortir, permettront de construire une vision politique de la sexualité, plus féministe et n’excluant aucune de ses manifestations.