Biographie
Fatima Sadiqi est à la fois l’une des grandes figures intellectuelles du Maroc contemporain et l’un des acteurs qui contribuent à l’avènement de la révolution sociale tranquille au Maroc. Pourtant, rien ne semblait la prédisposer à de tels accomplissements. Sadiqi est née à Imshihn, un village berbère reculé dans la région peu prospère d’Azilal. De plus, aucune femme dans sa famille n’a été scolarisée. Mais Sadiqi avait un privilège : son père croyait à l’éducation des filles, et celle de sa fille en particulier. Comme celui-ci était un militaire de carrière qui se déplaçait avec sa famille de ville en ville, Sadiqi a fait des études primaires à Nador, puis des études secondaires à Taourirt et à Oudja. Sadiqi excelle si bien dans ses études qu’elle accumule les diplômes et les reconnaissances. Après une licence en langues et littératures anglaises, elle obtient une maîtrise et un doctorat à l’Université Essex en Grande Bretagne. Aussi, elle a été professeure et chercheure associée aux universités suivantes : Washington University (1991), University Urbana-Champaign (1999), Lasell College (2004) et Rutgers University (2005). De même, elle a été lauréate de quatre bourses Fulbright (Senior Fulbright grants) et lauréate de la bourse de l’Université Harvard (Harvard Divinity School, 2006-2007), pour mener des recherches sur les femmes et les langues au Maroc.
Depuis les années 1970 et 1980, Fatima Sadiqi s’est intéressée aux femmes et à la langue berbère comme deux domaines de recherche tout à fait distincts. Cependant à partir des années 1990, elle établit des liens entre ces deux domaines aussi bien dans ses recherches que dans sa vie personnelle. En fait, elle perçoit clairement que tout comme les femmes se voient imposer les structures sociales patriarcales, les minorités linguistiques et culturelles se voient imposer des langues et cultures étrangères aux leurs. De surcroît, cette double imposition est tellement insidieuse qu’elle semble tout à fait «naturelle». En d’autres mots, elle est rarement perçue comme un produit de domination masculine, linguistique et culturelle. Sadiqi par exemple a grandi dans un village dont la seule langue de communication est un dialecte berbère. Or, d’un côté la scolarisation se fait en arabe et en français, et de l’autre la communication dans les métropoles se fait en arabe marocain. Donc, dès son enfance, Sadiqi a vécu insidieusement la domination patriarcale, linguistique et culturelle. D’ailleurs, c’est pour transcender cette domination qu’elle a choisi de s’exprimer en anglais d’une part, et de consacrer ses recherches aux femmes rurales berbères d’autre part. Sa réflexion à ce sujet a mûri durant les douze années qu’elle a consacré à co-diriger l’anthologie Women Writing Africa, The Northern Region (The Feminist Press, 2009). Rappelons que cette œuvre magistrale redonne la voix entre autres à des femmes berbères rurales qui, malgré leur analphabétisme, sont devenues des emblèmes du militantisme féminin.
À présent, Fatima Sadiqi est en train de rédiger l’aboutissement de ses réflexions relatives à l’impact de la langue et de la culture sur le féminisme dans un livre qui s’intitule Women’s Empowerment in Morocco: Going Beyond Islam. Ce livre est intéressant à plusieurs égards. Comme chaque chapitre commence par des témoignages puisés à même le vécu personnel de l’auteure, le livre est accessible au grand public, et donc sensibilise ce public aux problématiques de domination masculine, linguistique et culturelle. Cependant, via l’analyse du sujet, l’auteure s’adresse également à un public d’experts. Le livre fait donc une contribution importante au savoir portant sur le féminisme et les études de femmes en général, et au Maroc en particulier.
Parallèlement à la publication de nombreux livres, articles scientifiques et actes de colloque, Fatima Sadiqi a fondé et dirige de nombreux organismes dont la mission est d’autonomiser (empower) les femmes et les groupes marginalisés au sein de la société. Entre autres, Sadiqi a initié les études des femmes (1998) et les études du genre (2000) à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, à Fès. Elle a fondé et dirige le Centre Isis pour femmes et développement (2006). D’ailleurs, ce centre accueille des centaines de chercheurs du monde entier dans le cadre des conférences qu’il organise au sujet des femmes et développement. Elle a co-fondé et dirige l’Institut international pour les langues et les cultures (2011), lequel institut reçoit les étudiants européens et Nord américains à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, à Fès, dans le but d’encourager le dialogue interculturel.
À présent, Fatima Sadiqi enseigne la linguistique et les études de femmes à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, à Fès. Elle est mariée, et elle est la mère fière de trois garçons.
Œuvres principales
(Dir.) Gender and Violence in the Middle East (Routledge, 2011)
(Dir.) Women in the Middle East and North Africa, Agents of Change (Routledge, 2010)
(Dir.) Women Writing Africa, The Northern Region (Feminist Press, 2009)
Images of Women in Abdullah Bashrahil’s Poetry (Arab Institute for Research and Publishing, 2004)
Women, Gender and Language in Morocco (Brill Academic Press, 2003)
Grammaire du Berbère (Harmattan, 1997)
Studies in Berber Syntax (Konigshaussen & Neumann, 1986)
Principales conférences internationales que Fatima Sadiqi a organisées
“Women and the New Medias in the Mediterranean Region” (2011)
“Mediterranean Women and their Rights” (2005)
“Mediterranean Women” (2004)
“Women and Education” (2003)
“Women and Development” (2000)
“Feminist Movements: Origins and Orientations” (1999)
Page personnelle
http://www.fatimasadiqi.on.ma/