Aïcha Qandicha … ou Qidissa ?

Deux récits circulent au sujet de la mythique Aïcha Qandicha.  Selon le premier, celle-ci serait une femme djinn dans les pouvoirs illimités sont terrifiants.  Aussi, au sein des familles traditionnelles au Maroc, les parents qui ne se sentent pas respectés par leurs  enfants menacent ces derniers d’Aïcha Qandicha : si les enfants persistent dans leur entêtement, la djinn pourrait se manifester pour les punir en les possédant.  Une fois passé le cap de l’enfance, Aïcha Qandicha acquiert une autre symbolique.   Elle apparaît alors comme une femme djinn dont les pouvoirs de séduction, de sensualité et de sexualité sont d’une telle envergure que les hommes qui ont eu un rapport avec elle se trouvent désormais possédés par elle, à leur insu,  pour le restant de leurs jours.  Dit plus explicitement, ils ne sont pas capables d’avoir une vie sexuelle, en dehors  des visites nocturnes et impromptues de la djinn. Dans ce sens, Aïcha Qandicha symbolise le pouvoir puissant de la séduction, sensualité et sexualité féminins, et inversement l’impuissance des hommes devant ce pouvoir.

Sans tout à fait présenter une rupture avec ce récit, le deuxième récit qui circule au sujet de la mythique Aïcha Qandicha y apporte quelques nuances et précisions.  Aïcha Qandicha serait en fait une femme en chair et en os.  Toutefois, son histoire, à l’instar de son vrai nom, aurait subi quelques déformations au fil du temps.  Aïcha Qandicha aurait été une belle jeune combattante qui, dans le contexte des luttes anticoloniales, aurait réussi à assassiner de nombreux soldats et officiers militaires ennemis.  Pourtant, son stratagème aurait été des plus simples :  elle aurait séduit ces hommes, en les invitant à passer la nuit chez elle, mais les aurait assassinés avant le lever du jour.  D’ailleurs, il semblerait que ce soient ces soldats et officiers militaires qui auraient déformé son nom de «Qidissa» (la sainte) à Qandicha, parce qu’ils n’auraient pas été capables de reproduire les vocables arabes.

Jusqu’à présent, aucune source historique fiable ne m’a permis  de valider cette version des faits. Certes, une nouvelle,  intitulée «Aïcha» de l’écrivain Abd al-Mjid Ben Jelloun reprend plus ou moins ce récit.  Malheureusement, il s’agit de fiction.

Sources consultées :

John Maier, «In the Service of Aisha Qandisha», in Desert Songs, Western Images of Morocco, and Moroccan Images of the West (New York: Suny, 1996), 251-258.

Abd al-Mjid Ben Jelloun, Wadi ad-dima’ (Dar al-Bayda : Dar ath-thaqafa, 1998), 49-55.

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